Yémen : Les organisations humanitaires appellent à une action immédiate lors de la 7e réunion des hauts fonctionnaires
23.05.2025

© Jean-Baptiste Lopez
29 organisations non gouvernementales opérant au Yémen exhortent la communauté internationale à manifester de nouveau son engagement envers le peuple yéménite. En effet, des défis majeurs menacent de compromettre les progrès réalisés et de plonger des millions de personnes vulnérables dans une situation précaire dans tout le pays.
À la veille de la septième réunion des hauts fonctionnaires, nous constatons avec une profonde inquiétude que la situation au Yémen s’est considérablement dégradée depuis la sixième réunion. Alors que les coupes budgétaires s’enchaînent, le pays est aujourd’hui confronté à un ensemble croissant et de plus en plus complexe de difficultés interdépendantes, lesquelles se sont encore intensifiées depuis le début de l’année 2025. Cette situation freine les efforts humanitaires et de développement, rendant encore plus difficile l’accès à des millions de personnes en situation d’extrême urgence. Nous sommes des acteurs de première ligne engagés à servir ceux qui sont dans le besoin et nous restons prêts à fournir une assistance vitale, grâce à la générosité de nos bailleurs de fonds. En 2024, nos efforts collectifs ont permis de venir en aide à plus de huit millions de personnes au Yémen.
Depuis le début de l’année 2025, de nombreux projets ont été interrompus, bloquant ainsi la fourniture de produits de base, de services et d’infrastructures de santé, notamment les hôpitaux. Les campagnes de vaccination et les centres, particulièrement important pour les femmes et les jeunes filles, ont également été suspendus. En conséquence, les opérations d’aide à la survie et de soutien à plus long terme sont devenues inaccessibles à de nombreuses parties de la population dans le besoin. Si des alternatives ne sont pas mises en place pour compenser ses manquements, la situation déjà critique ne cessera d’empirer. Ainsi, le retour à des interventions essentielles deviendra nettement plus complexe et plus coûteux au fil du temps.
Nous appelons la communauté internationale à réagir maintenant et à prendre des mesures coordonnées afin d’éviter des dommages irréversibles à des millions de yéménite. De plus, nous exhortons les bailleurs de fonds à respecter une approche impartiale et fondée sur des principes, en veillant à ce que les fonds soient attribués uniquement en fonction des besoins les plus urgents, indépendamment de l’endroit où ils se trouvent dans le pays.
Aujourd’hui, nous continuons de faire face à une multitude d’obstacles nous empêchant d’atteindre les populations les plus démunies. Ces derniers mois, les habitants du Yémen ont assisté à la destruction d’infrastructures civiles à plusieurs endroits par des frappes militaires aériennes. Ces attaques ont eu lieu dans un pays déjà fragilisé par des systèmes et des services considérablement affaiblis. Il est nécessaire de signaler l’impact dévastateur sur les civils, notamment le nombre de morts et de victimes. Le ciblage d’infrastructures essentielles aggrave non seulement les difficultés économiques et psychologiques, mais limite également la capacité des travailleurs humanitaires à fournir une aide vitale aux plus vulnérables.
Engagés et dévoués à la réalisation des projets financés par les bailleurs de fonds, les travailleurs humanitaires sont confrontés à des risques et à des menaces pour leur sureté et leur sécurité dans le cadre de leur travail. À l’approche du 6 juin, un nombre important de membres du personnel des Nations unies, d’ONG internationales et d’organisations de la société civile sont toujours détenus depuis près d’un an. Cette situation suscite de profondes et croissantes inquiétudes quant à leur sécurité et leur bien-être.
Nous exhortons toutes les parties à respecter le droit international humanitaire, à protéger les civils et à éviter de prendre pour cible les infrastructures civiles. De plus, nous appelons les États membres à s’intéresser en priorité aux conséquences humanitaires actuelles et envisagées relatives à l’escalade du conflit, et à renforcer leurs appels à la protection des infrastructures civiles.
Nous invitons les autorités compétentes à garantir la capacité des travailleurs humanitaires à mener à bien leur mission et à assurer la libération immédiate et inconditionnelle des membres détenus, afin qu’ils puissent retrouver leur famille et leur vie quotidienne en toute sécurité.
Nous appelons également les principaux états régionaux, la communauté internationale ainsi que les partenaires influents, à soutenir tous les efforts visant à obtenir la libération des travailleurs humanitaires détenus et à assurer la protection de l’espace humanitaire.
Notre capacité à fournir des services essentiels aux plus vulnérables se heurte régulièrement à des régimes de sanctions importants et à un réseau complexe de mesures restrictives dans le nord du Yémen. Ces obstacles se traduisent par des difficultés de transfert de fonds, un accès limité aux circuits bancaires, des difficultés d’approvisionnement en marchandises et des restrictions sur les importations commerciales. Le cumul de ces mesures affecte l’ensemble du pays et menace de perturber sérieusement l’approvisionnement en carburant, en médicament, en équipement médicaux, en nourriture et en autres formes d’aide humanitaire vitale, ainsi que le fonctionnement des infrastructures et des services essentiels.
Nous sollicitons d’urgence la communauté internationale à favoriser le développement d’exemptions humanitaires généralisées. Celles-ci sont essentielles pour garantir l’acheminement de l’aide aux plus démunis, pour préserver les principes fondamentaux de l’action humanitaire et pour protéger l’espace humanitaire.
Au cours des derniers mois, la population yéménite est devenue de plus en plus vulnérable et nécessité une protection renforcée, alors que la capacité de réponse diminue. La situation affecte plus de deux millions de personnes, parmi lesquelles des femmes et des jeunes filles qui sont confrontées à des risques considérables. Sans aide immédiate, des millions de femmes et de jeunes filles seront privées des services essentiels qui les protègent de la violence et les aident à faire face à la détérioration croissante de leur santé mentale, les exposant davantage à la dépression, à l’automutilation et au suicide. La fréquence des mariages d’enfants, de la traite des êtres humains, de la mendicité et du travail infantile est en hausse. La protection ne doit pas être envisagée après coup, mais doit constituer un élément essentiel de tout effort humanitaire et de développement.
Nous appelons tous les États membres participant à la réunion des hauts fonctionnaires à assurer une protection adaptée à l’âge, au sexe et au handicap qui soit au cœur de la réponse collective. Si la protection est négligée, ce sont les populations démunies qui en subissent les conséquences.
Les coupes budgétaires affectent considérablement les organisations de la société civiles (OSC) au Yémen, en particulier les organisations dirigées par des femmes et les organisations de défenses des droits des femmes (WLO et WRO). Un grand nombre d’entre elles risquent de fermer leurs portes. Il est temps que la communauté humanitaire et celle des bailleurs de fonds accordent leur soutien inconditionnel aux ONG nationales et locales, et notamment au leadership des WLO/WRO ainsi qu’à leur participation directe, sûre et concrète aux actions locales et nationales.
Nous demandons aux bailleurs de fonds d’augmenter le financement direct et flexible accordés aux acteurs locaux, lesquels sont souvent les premiers à réagir et les mieux placés pour intervenir. Si des intermédiaires sont nécessaires, le soutien doit renforcer le leadership local, et non le remplacer, grâce à des investissements concrets portant sur la collaboration, la responsabilité, les capacités et le partage des risques.
Aujourd’hui, les enjeux ne pourraient pas être plus élevés. La communauté internationale doit agir fermement afin d’éviter de nouvelles tragédies et des dommages irréversibles. À mesure que les difficultés de la population yéménite se multiplient, notre détermination à agir immédiatement et dans le respect total des principes humanitaires que nous défendons collectivement doit elle aussi se renforcer. Nous devons redonner espoir au peuple du Yémen et nous ne pouvons pas abandonner une population qui en a cruellement besoin.