URGENCE FAMINE A GAZA : FAITES UN DON
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Guerre au Proche-Orient : nos réponses à vos questions

11.01.2024

© Abed Rahim Khatib - Anadolu via AFP

Quelle est la situation humanitaire à Gaza et en Cisjordanie ?

La bande de Gaza est une zone très dense de 365 km² où vivent 2,2 millions d’habitants. Coupée du monde, l’enclave est sous blocus israélien depuis 16 ans. Avant la crise actuelle, les services publics étaient fonctionnels mais la situation humanitaire était déjà précaire. Depuis le début des bombardements le 7 octobre et le siège total mis en place par le gouvernement israélien le 9 octobre, Gaza fait face à une catastrophe humanitaire majeure. Les infrastructures publiques se sont effondrées, en particulier le système de santé et les structures d’approvisionnement en eau potable. La destruction des maisons, des structures de santé, des écoles et autres abris de l’UNRWA (Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient) a précipité cet effondrement. La plupart des hôpitaux ne sont presque plus fonctionnels. Ils font face à une pénurie sévère de médicaments et d’équipements médicaux, alors qu’ils sont débordés par l’afflux de blessés et de personnes déplacées. Les Gazaouis manquent de tout : eau, nourriture, fuel et électricité. La population boit de l’eau contaminée et mange un repas par jour. 1,9 million de personnes ont été déplacées par les bombardements à Gaza, souvent à plusieurs reprises, et dorment dans la rue ou dans des abris surpeuplés. L’augmentation des cas de diarrhée, des infections cutanées et respiratoires aiguës, des infections liées à l’hygiène, font craindre l’éruption d’épidémies mettant en danger les personnes les plus vulnérables.

En un an et demi, les taux de malnutrition aiguë à Gaza ont atteint des niveaux similaires à ceux de pays confrontés à des crises humanitaires qui perdurent depuis des décennies.

L’évolution des taux de malnutrition aigüe dans les centres de santé gérés par Médecins du Monde au cours de ces 10 mois mettent en évidence la responsabilité humaine sur la faim dans la bande de Gaza. En 2024, les pics des taux de malnutrition aigüe observés au sein des centres de MdM ont coïncidé avec la baisse la plus importante du nombre mensuel de camions acheminant l’aide à Gaza l’année dernière. En revanche, les taux ont chuté de manière significative après la levée partielle des restrictions israéliennes consécutives au cessez-le-feu au début de l’année 2025. Ces progrès se sont rapidement inversés en mars et en avril 2025 avec une nouvelle hausse de la prévalence de malnutrition aigüe en lien avec le siège total imposé par les autorités israéliennes depuis le 2 mars. Au vu de ces constations, il est clair que les taux mensuels de malnutrition aigüe chez la femme et l’enfant dépendent des décisions des autorités israéliennes d’autoriser ou de bloquer l’aide humanitaire.

Notre rapport sur la malnutrition à gaza souligne un risque rapide de famine étant donné la pénurie des stocks alimentaires depuis le siège total des autorités israéliennes.

En avril 2025, une femme enceinte ou allaitante sur cinq et près d’un enfant sur quatre examinés dans les centres de santé primaire de MdM présentaient une malnutrition aiguë ou un risque élevé de la développer.

En Cisjordanie, plus de 330 Palestiniens, dont 84 enfants, ont été tués par l’armée ou les colons israéliens entre le 7 octobre 2023 et le 10 janvier 2024 (en 2022, ils étaient 144). La majorité a perdu la vie lors des raids quasi quotidiens de l’armée israélienne. Prenant plusieurs fois pour cible les infrastructures de santé et les ambulances, ces raids empêchent l’accès aux soins des populations civiles. Les checkpoints se sont également renforcés. Ils restreignent la circulation et sont un obstacle pour accéder à l’aide humanitaire ou aux structures de santé. Les actes de violence des colons israéliens contre les civils palestiniens ont drastiquement augmenté. De 3 par jour avant le 7 octobre, ils sont à présent passés à 7 par jour en moyenne. Plus de 1 200 Palestiniens ont été déplacés de force de leurs communautés. Empêchés de retourner sur leurs terres, ils ont tout perdu. A cause de la situation générale d’insécurité, ils n’ont quasiment plus accès aux services de base.

Quelle est l’action de Médecins du Monde sur place ?

Médecins du Monde est présent depuis 1995 en Palestine, où nous soutenons l’accès à la santé des populations civiles. Nous apportons une aide humanitaire en Cisjordanie et dans la bande de Gaza pour préparer les structures de soins aux situations d’urgence et les aider à mieux coordonner leurs actions. Médecins du Monde fournit un appui psychosocial aux victimes des violences des colons et des forces armées israéliennes en Cisjordanie. Le personnel médical est formé à la détection et la prise en charge des troubles psychosociaux, et facilite un référencement vers les structures de santé adéquates.

Depuis le 7 octobre, les opérations humanitaires de Médecins du Monde en Palestine sont très affectées. Le contexte catastrophique à Gaza entrave nos opérations. Notre équipe sur place est en situation de survie. Médecins du Monde a envoyé du matériel médical pour soutenir le système de santé à Gaza. En Cisjordanie, les besoins en santé mentale ont augmenté du fait de l’explosion de violence des colons israéliens. Notre équipe continue de fournir une réponse psychosociale d’urgence sur place.

Comment vos équipes sont-elles affectées par la situation actuelle ?

A Gaza, tous les membres de notre équipe tentent de survivre aux bombardements et à la crise humanitaire. Tout comme le reste de la population civile, la plupart ont dû quitter leur maison. Ils boivent de l’eau impropre à la consommation et mangent une fois par jour. Notre collègue Maysara Rayyes, médecin urgentiste et superviseur médical de 28 ans, a été tué dans le bombardement de son immeuble à Gaza City avec plusieurs membres de sa famille. Un autre a été blessé lors de l’attaque d’un tank israélien contre l’école dans laquelle il s’était réfugié.

Au début du mois de février 2024, les bureaux de Médecins du Monde à Gaza City, pourtant identifiés comme étant ceux d’un acteur humanitaire, ont été délibérément détruits. Quelques jours plus tôt, des soldats étaient venus pour faire sortir de force un membre de notre ONG et sa famille venus s’y réfugier.

Que font concrètement vos équipes sur place : Comment ont-elles continué à opérer malgré tous les obstacles posés par Israël ?

  • Nos équipes luttent dans des conditions inhumaines depuis 19 mois. C’est leur détermination sans faille à préserver autant que possible l’accès aux soins qui a permis la continuité des opérations. Elles méritent toute notre reconnaissance.
  • En raison des ordres de déplacement de l’armée israéliennes, les équipes et les opérations de Médecins du Monde ont subi des déplacements forcés à plusieurs reprises.
  • Le 31 mars, le 3 avril et le 6 avril respectivement, l’armée israélienne a émis des ordres de déplacement forcé dans des zones où sont situés les centres de santé primaire de MdM, à Rafah, dans la zone d’Al Zaytoun de la ville de Gaza et à Al Sawarha. Tout au long du processus de désescalade, les autorités israéliennes étaient pourtant au courant de l’emplacement des centres de santé de MdM. Depuis, le centre de santé de Rafah est complètement fermé (31 mars). Le contexte sécuritaire lié aux ordres de déplacement a provoqué l’interruption des services de MdM pendant 3 jours dans le centre de santé d’Al Zaytoun et pendant 2 jours dans celui d’Al Sawarha, alors qu’ils subviennent chacun aux besoins de plus de 200 patients par jour. A l’heure actuelle, ces deux centres ont repris leurs activités à capacité réduite et dans des conditions extrêmement dangereuses.
  • Suite à la reprise des hostilités, la fermeture partielle du corridor militaire israélien séparant la bande de Gaza entre le nord et le sud pose également d’autres difficultés pour les opérations humanitaires car il empêche les équipes MdM à Gaza de transporter du matériel essentiel du sud au nord et inversement.
  • Les équipes de MdM France restent néanmoins déterminées à fournir des services essentiels. Nous avons 6 centres de santé dans les gouvernorats de Deir Al Balah, Khan Younis et Gaza. Des soins de santé primaires, des consultations de santé sexuelle et reproductive, de nutrition, des vaccins et des soins d’urgence de base, notamment le traitement des plaies, y sont dispensés. Ces soins comprennent les soins prénatals, anténatals et postnatals, le traitement des infections sexuellement transmissibles, la gestion des maladies transmissibles et non-transmissibles, les consultations de médecine générale, la vaccination et les services de SMSPS.
  • Les trois chapters de MdM soutiennent également nos partenaires de santé palestiniens à Gaza en fournissant une réponse d’urgence en SMSPS au niveau communautaire et en soutenant leurs cliniques mobiles en y intégrant directement des services de SMSPS par le biais des équipes MdM.
  • A date (mai 2025), les chapters de MdM ont 150 employés à Gaza (contrats de service inclus) [MdM France 120; MdM Espagne 17; MdM Suisse13]

Que demande Médecins du Monde ?

Médecins du Monde demande un cessez-le-feu immédiat, et un accès humanitaire sûr et sans entrave vers Gaza. Nous insistons sur l’obligation des Etats à respecter et faire respecter le droit international humanitaire (DIH) qui impose des règles dans la guerre et la protection des civils. Nous rappelons que le personnel humanitaire et médical, ainsi que les hôpitaux et les écoles, ne doivent jamais être pris pour cibles. Nous condamnons toutes les exactions commises sur les civils, qu’ils soient palestiniens ou israéliens. Le DIH doit être respecté par toutes les parties au conflit.

Nous reconnaissons que le droit à la santé de la population palestinienne est négativement affecté par l’occupation israélienne. Notre organisation plaide donc pour la mise en place d’une solution politique durable traitant les causes profondes des violations du droit international et des droits humains en Palestine et en Israël.

Lire notre rapport « No peace of mind » : la santé mentale en Palestine (publié en 2022)

Quel est le mandat de Médecins du Monde ?

Médecins du Monde est une organisation non gouvernementale médicale humanitaire qui lutte pour un système de santé juste et universel. En tant qu’organisation humanitaire, les principes d’humanité, d’impartialité, de neutralité et d’indépendance sont à la base de notre action.

Nous nous engageons à soigner les populations les plus vulnérables, mais également à témoigner des entraves constatées dans leur accès aux soins.

Intervenez-vous en Israël ?

Médecins du Monde intervient dans les pays où des populations fragilisées rencontrent des difficultés pour accéder aux soins. Notre organisation peut également agir à la demande d’un pays qui risque l’effondrement de son système de santé. A ce stade, Israël n’a pas lancé d’appel humanitaire.

Etes-vous véritablement indépendants à Gaza ?

Les principes d’indépendance et d’impartialité sont à la base de l’action humanitaire de Médecins du Monde. En conséquence, nos opérations, financements et dons sont uniquement destinés aux populations civiles. Nous travaillons notamment au renforcement du système de santé en apportant notre appui aux hôpitaux, aux centres de santé et au personnel soignant. En tant qu’organisation humanitaire, nous n’acceptons pas d’interférence dans la conduite de nos opérations.

Vous avez signé en mai 2025 un communiqué dénonçant le projet d’enregistrement des ONG par le gouvernement israélien : concrètement quelle seront les conséquences sur votre travail ? Allez-vous accepté les conditions énoncées ? Y a-t-il un précédent à ce type de restrictions imposées aux ONG ? Est-ce une menace pour l’aide humanitaire ?

La procédure d’enregistrement des ONG internationales imposée par les autorités israéliennes incluent des conditions qui représentent pour MdM des limites à ne pas franchir car elles mettent en péril la sécurité des équipes et portent atteinte aux principes fondamentaux de l’action humanitaire.

1) Avec cette procédure, le plaidoyer pour les droits humains et humanitaires ainsi que l’expression d’un soutien à la mise en cause de la responsabilité d’Israël pour des violations du droit international sont considérés comme une menace pour l’Etat ;

2) la procédure exige de soumettre aux autorités israéliennes des listes complètes du personnel ainsi que d’autres informations sensibles concernant les employés et leurs familles, ce qui soulève de sérieuses inquiétudes relatives à leur protection et leur sécurité.

Cette procédure constitue une menace pour les acteurs humanitaires de principe, car annuler l’enregistrement des organisations pourrait mener à la fermeture de nos activités humanitaires, l’impossibilité d’envoyer de l’aide à Gaza, d’obtenir des visas et des permis pour nos équipes, d’opérer dans la partie occupée de Jérusalem-Est. Cela représente également des contraintes financières et administratives et de potentiels risques de sécurité supplémentaires pour la sécurité de nos équipes en territoire palestinien occupé.

Nous appelons les bailleurs de fonds et à les Etats à faire pression sur les autorités israéliennes pour qu’elles reviennent sur cette décision et à garantir le maintien d’une action humanitaire fondée sur des principes dans le territoire palestinien occupé et en Israël.

D’où proviennent les chiffres que vous avancez dans vos communications sur la situation à Gaza ?

Concernant la situation actuelle à Gaza, Médecins du Monde base ses communications et analyses sur les chiffres publiés par l’Office de Coordination de l’Aide Humanitaire des Nations Unies (OCHA) et le Cluster Santé de l’Organisation Mondiale de la Santé. Nous considérons, comme plusieurs experts, que le nombre de personnes tuées à Gaza est probablement sous-évalué compte tenu de l’impossibilité de compter les corps qui gisent sous les décombres.

Concernant notre rapport malnutrition, il s’appuie uniquement sur les données collectées par le biais des opérations de Médecins du Monde dans la bande de Gaza et ne fournit ainsi qu’un aperçu partiel de la faim généralisée causée par le siège et l’offensive militaire en cours des autorités israéliennes.

C’est ainsi qu’ entre juillet 2025 et avril 2025, Médecins du Monde a effectué le dépistage de 10 740 enfants âgés de 6 à 59 mois et de 3 963 femmes enceintes et allaitantes dans le cadre de son programme de nutrition dans la bande de Gaza. MdM a effectué ces dépistages dans jusqu’à six centres de soins de santé primaire dans les gouvernorats de Deir Al Balah, Khan Younis, Gaza et Rafah.

Durant cette période, MdM a effectué le dépistage de tous les enfants de moins de 5 ans et de toutes les femmes enceintes et allaitantes se rendant dans ses centres pour une consultation.
En 2024, MdM n’opérait pas de services de santé dans la partie nord de la bande de Gaza. Les conclusions de 2024 ne peuvent donc pas être généralisées à l’ensemble de la population car le nord était dans une situation de siège dans un siège, avec une entrée de l’aide très restreinte via les points de passage au nord et des restrictions très lourdes de l’aide arrivant du sud de Gaza en raison de l’imposition du corridor militaire israélien limitant les mouvements humanitaires vers le nord (pour plus d’informations, se référer au Snapshot 9)

En 2025, les données peuvent être jugées plus représentatives car les centres de soin de MdM et leur programme nutrition ont été élargis à d’autres gouvernorats, y compris dans la partie nord de l’enclave.

Depuis l’adoption des mesures provisoires par la CIJ, des experts, des universitaires et des organisations de défense des droits de l’homme, dont Amnesty International et Human Rights Watch, ont alerté sur le génocide et les actes génocidaires qui ont eu lieu à Gaza. Vous semblez confirmer les mêmes observations, mais vous ne parlez pourtant pas de génocide. Pourquoi ne prenez-vous pas une position plus forte ?

Nous sommes une organisation humanitaire et nous ne sommes pas en mesure de procéder à des déterminations juridiques. Nous concentrons donc nos efforts sur notre mandat humanitaire, tout en dénonçant les violations aux droit international humanitaire dont nous sommes témoins. En revanche, nous pouvons préciser que nos observations sur le terrain sont en adéquation avec les observations établies par les organisations de défense des droits humains et les experts juridiques qui qualifient la situation de génocide.

Quelle est votre position au sujet des victimes israéliennes, et notamment des otages retenus par le Hamas ?

Médecins du Monde condamne toutes les violences physiques, sexuelles et psychologiques faites à l’encontre de la population civile, qu’elle soit palestinienne ou israélienne. Nous exigeons la protection de tous les civils, otages compris. Nous rappelons que la prise d’otage est interdite par le droit international humanitaire, et peut être considérée comme un crime de guerre. Le 18 octobre, nous avons signé une pétition appelant à un cessez-le-feu immédiat dans la bande de Gaza et à une libération des otages.

Nous n’intervenons pas directement auprès des otages israéliens à Gaza. Ces actions relèvent notamment du mandat du Comité international de la Croix-Rouge (CICR).

Des images d’un exercice de formation à l’urgence mis en place par Médecins du Monde à Gaza sont diffusées sur les réseaux sociaux ces dernières semaines. A quoi font-elles référence ?

Ces images ont été prises en 2017 dans le cadre des opérations humanitaires de Médecins du Monde à Gaza. Il s’agit d’un exercice de formation médicale à l’urgence pour le personnel soignant. Les fausses blessures ont été peintes par des maquilleurs d’effets spéciaux afin de renforcer l’effet de réalité pour les personnes prenant part à l’exercice de formation. Ces images ne sont pas liées à la situation actuelle dans la région, et ont malheureusement été l’objet de fake news sur les réseaux sociaux.