photo inégalités vaccinales

Inégalités vaccinales : un an d’inaction et de plus en plus de morts

Il y a un an, le 2 octobre 2020, l’Inde et l’Afrique du Sud demandaient auprès de l’Organisation mondiale du commerce, la levée temporaire des brevets sur les vaccins et les soins contre la Covid-19.

Couplée au renforcement des capacités locales de production, celle-ci permettrait d’augmenter la production de ces vaccins, d’accélérer leur accès dans les pays en développement et ainsi combattre efficacement la pandémie mondiale de Covid-19. Pourtant, l’inaction des pays riches influencés par le lobbying des entreprises pharmaceutiques continue d’entraver les négociations internationales.

Malgré les annonces faites par quelques pays comme les Etats-Unis ou la France en faveur de la levée temporaire des brevets sur le vaccin, d’autres comme l’Allemagne, le Royaume-Uni, ou encore des entités comme l’Union européenne s’opposent farouchement à suspendre les règles liées à la propriété intellectuelle sur les vaccins anti-Covid. Entre-temps, les inégalités se creusent entre les pays du Sud et les pays du Nord et le nombre de morts ne cesse d’augmenter. Entre le 2 octobre 2020 et aujourd’hui, 3,7 millions de personnes sont mortes à cause de la pandémie.

IMMUNITÉ VACCINALE MONDIALE

Alors que l’Union européenne voit sa population entièrement vaccinée à plus de 60 %, la situation est beaucoup plus dramatique dans les pays en développement. En Afrique, le portrait est désolant : à peine plus de 4 % de la population est entièrement vaccinée.

L’égoïsme des pays les plus riches pour répondre à cette injustice sanitaire est irresponsable et inefficace. Au lieu de s’attaquer de manière globale à cette pandémie, beaucoup ont préféré choisir le repli sur soi, dans une course effrénée pour accaparer le plus grand nombre de doses, peu importe les prix à payer, au grand bénéfice des laboratoires pharmaceutiques.

Comme l’avait montré une étude récente, les monopoles sur les vaccins rendent leur prix au moins 5 fois plus élevé que leur coût de production. A elle seule, la France aurait payé 4,6 milliards d’euros de plus pour des vaccins Pfizer et Moderna et pour l’Union européenne le surcoût atteindrait les 31 milliards d’euros. Dans ce contexte, ces deux laboratoires ont jusqu’à présent vendu plus de 90 % de leurs vaccins aux pays riches, tandis que les pays du Sud et les populations les plus vulnérables restent dépourvus des moyens nécessaires pour se prémunir de la pandémie.

S’il y a eu quelques efforts des pays européens et des Etats-Unis pour réduire ces inégalités dans l’accès au vaccin, notamment avec le mécanisme COVAX et la redistribution d’une part des doses commandées, ils ont été très partiels et loin de traduire un réel engagement pour combattre la pandémie à l’échelle mondiale. Vu le nombre limité de doses livrées, les problèmes logistiques, la lenteur et les retards répétés de ces transferts, tous ces efforts risquent d’être inefficaces et l’objectif d’atteindre une immunité vaccinale mondiale sera vain.

CRISE ÉCONOMIQUE ET SOCIALE

Alors que 10 000 personnes meurent encore tous les jours dans le monde à cause de la Covid-19, il est plus qu’urgent que les Etats réunis au sein de l’OMC s’accordent pour déroger de manière temporaire aux règles de propriété intellectuelle qui régulent aujourd’hui la production des vaccins. Il est aussi nécessaire de renforcer rapidement les capacités locales de production des pays qui pourraient les fabriquer. Le transfert des technologies sera clé pour accomplir cette tâche.

Nous ne pouvons plus perdre de temps alors que nous disposons des moyens nécessaires pour construire une stratégie globale de lutte contre la pandémie basée sur la solidarité internationale. Si depuis l’appel de l’Inde et l’Afrique du Sud, il y a un an, cette stratégie a été un échec, c’est uniquement par manque de volonté politique et à cause du poids du lobbying des laboratoires pharmaceutiques.

Loin d’être un sujet uniquement éthique, cette situation a des répercussions concrètes pour tous, ce qui renforce la nécessité d’une solidarité globale. Elle pourrait en effet compromettre la stratégie vaccinale même dans les pays riches avec le risque de voir de nouveaux variants apparaître et pour lesquels les vaccins actuels ne seraient plus efficaces. La crise de la Covid-19 n’est pas seulement une crise sanitaire, mais aussi une crise économique et sociale. Une crise qui a creusé les inégalités notamment entre les femmes et les hommes, et qui risque d’anéantir des années de lutte contre l’extrême pauvreté.

Nous sommes dans une situation d’urgence extrême. Derrière les promesses et les grands discours autour de la solidarité internationale, nous n’avons pour le moment vu que l’inaction et l’égoïsme des pays les plus riches. Une situation qui compromet la vie et l’avenir de millions de personnes. Il est temps d’agir !

Tribune publiée dans Libération le 2 octobre 2021 accessible ici

Signataires