30 ans de fabrique politique de la dissuasion

L’état français et la gestion de la présence des personnes exilées dans la frontière franco-britannique : harceler, expulser et disperser

Depuis 30 ans, à la frontière franco-britannique, l’État français déploie une politique de dissuasion à l’égard des personnes exilées. On observe une volonté performative de la part des gouvernements successifs de faire montre de leur force, manière de rassurer l’opinion publique et la population locale quant à leur capacité à faire régner l’ordre. La même appréhension sécuritaire est instaurée, dans une forme de continuité où chaque rupture sert de prétexte au renforcement d’un cadrage sécuritaire, où chaque échec justifie d’aller toujours plus loin, dans l’espoir affiché d’un résultat différent. La même politique semble se reproduire, malgré l’échec constaté par le ministre de l’Intérieur actuel lui-même : « C’est vrai, il persiste cette impression de tenter de vider quelque chose qui se remplit, même si cela se remplit moins. C’est la seule manière de ne pas laisser des choses inacceptables s’installer sur le territoire calaisien ». Les élus locaux sont sous la contrainte de la politique instaurée par l’État.

Chaque alternative à la gestion de la présence des personnes exilées est traduite telle une opposition formelle à l’État. Le débat est réduit à une logique manichéenne : pro ou anti personnes exilées.

Cette synthèse est issue d’un rapport mené sous l’égide de la Plateforme des soutiens aux migrant.es publié le 4 février 2022. Il questionne la continuité et les ruptures dans l’application des politiques publiques migratoires depuis 30 ans tout en appréhendant une politique de dissuasion qui tour à tour bloque et éloigne de la frontière franco-britannique les personnes exilées. Ce rapport pense à la fois l’action des gouvernements successifs et celle des acteurs politiques locaux et en particulier des municipalités dans la gestion des personnes exilées. Il étudie des espaces de vie ayant toujours cours (ou non) de Dunkerque à Cherbourg, sans s’attarder spécifiquement sur la ville de Calais, lieu particulièrement symbolique. Là où des flux maritimes sont organisés à destination de la Grande-Bretagne, des personnes exilées tentent de passer. Observer ce qui se joue en dehors de Calais, c’est questionner le traitement différencié (ou non) de l’application d’une doctrine d’État dans la gestion de la présence des personnes exilées. C’est appréhender son application stricte et ses appropriations politiques de la part des élus locaux et des représentants locaux de l’État.