Six associations attaquent l’Etat en justice pour non-respect des droits humains à Dunkerque
19.11.2025Plus de 2000 personnes exilées survivent actuellement dans des campements informels du Dunkerquois. Livrées à elles-mêmes, elles manquent de tout : accès à l’hygiène, à l’alimentation, aux soins, à l’hébergement, à l’information… Face aux violations des droits fondamentaux des personnes exilées, six associations attaquent l’Etat en justice.
Afin de mettre l’Etat face à ses responsabilités, les associations Refugee Women’s Centre, Médecins du Monde, Utopia 56, Roots, Salam et Human Rights Observers ont déposé le 18 novembre 2025 une requête en référé liberté devant le tribunal administratif de Lille. Elles demandent au juge de constater l’atteinte grave et illégale aux libertés fondamentales commise par l’administration au sein des campements situés sur les communes de Mardyck, Loon-Plage et Grande-Synthe. Elles l’appellent à ordonner à l’Etat de prendre des mesures immédiates et pérennes pour assurer le respect des droits des personnes exilées présentes à la frontière en attendant l’ouverture de voies d’accès sûres et légales effectives au Royaume-Uni.
Les conditions de vie de ces femmes, hommes et enfants sont indignes – à peine 5 points d’eau potable, seulement 11 cabines de douches sommaires installées par l’association Roots, pas de toilettes – et mettent gravement en danger leur santé et leur sécurité. Alors que l’hiver approche, laissant craindre une détérioration des conditions de survie déjà très difficiles, les associations, à bout de souffle, ne peuvent plus continuer à pallier les manquements de l’Etat.
« Le nombre de personnes exilées sur les campements informels du Dunkerquois a explosé, passant d’une moyenne de 750 à plus de 2000 en 2025, avec de plus en plus de femmes et d’enfants. Mais nos moyens n’ont pas augmenté proportionnellement, nous n’avons pas assez de tentes ou de sacs de couchages, nous ne pouvons permettre qu’à 21 femmes et enfants de se doucher par jour. Seules, nos associations ne peuvent pas faire face aux besoins immenses pour permettre à toutes et tous de vivre dignement, il est temps que l’Etat prenne sa part de responsabilité » dénonce Mathilde Bequaert de Refugee Women’s Center
« L’urgence est là, sous nos yeux : la centaine de femmes, hommes et enfants que nous accueillons chaque semaine dans notre clinique mobile tombe malade à cause des conditions de vie inhumaines auxquelles ils et elles sont confrontés. Privés d’accès à l’hygiène et à un hébergement digne, beaucoup développent des troubles dermatologiques ou respiratoires. Dans 90 % des cas, leurs pathologies sont la conséquence directe des politiques d’exclusion. En abandonnant ces personnes, l’État les met en danger et choisit de les rendre malades. » alerte Diane Leon, coordinatrice du programme Nord Littoral de Médecins du Monde.
De nombreuses alertes ont été lancées par les associations aux autorités locales – sous-préfecture de Dunkerque, préfecture Hauts-de-France, Communauté urbaine de Dunkerque, Agence Régionale de santé – afin d’ouvrir un dialogue permettant de trouver des solutions et de répondre aux besoins fondamentaux des personnes exilées. Ces alertes sont restées lettre morte, en revanche les expulsions et les violences envers ces personnes se sont multipliées. Les expulsions sont devenues quasi hebdomadaires, avec destruction des effets personnels : tentes, couvertures, sacs, médicaments, etc. Au 31 octobre 2025, nos associations avaient recensé 79 expulsions contre 36 sur toute l’année 2024.
“Une telle procédure a déjà eu lieu en 2017 sur la situation dans le Calaisis, les associations avaient obtenu gain de cause et l’Etat a été contraint de faire cesser les atteintes graves portées aux libertés fondamentales des personnes migrantes se trouvant sur le site. Dunkerque est à quelques kilomètres à peine, les personnes exilées survivent dans les mêmes conditions inhumaines, les associations sont confrontées aux mêmes difficultés, pourquoi la réponse de l’Etat serait-elle différente ?» déclare Claire Millot, secrétaire générale de l’association Salam.
Notes aux rédactions :
Préconisations et demandes des associations requérantes :
- assurer un accès à l’eau, à l’hygiène et à l’assainissement (points d’eau, douches, sanitaires, ramassage des déchets) ;
- assurer des distributions alimentaires ;
- assurer un accès minimum à l’électricité ;
- développer l’offre d’accès aux soins de droit commun et en faciliter l’accès ;
- assurer un accès à l’information aux droits effectif, notamment concernant l’accès à l’hébergement en cas d’expulsion, l’accès à la demande d’asile, et l’information et la prise en charge des mineur.es non-accompagné.e.s ;
- assurer un hébergement inconditionnel en prenant en compte les publics vulnérables notamment les femmes, familles et mineur.e.s non accompagné.e.s ;
- mettre à disposition des associations des lieux d’intervention sécurisés ;
- mettre fin à la destruction des effets personnels y compris des tentes dans le cadre des opérations d’expulsion et d’assurer un diagnostic social préalable;
- mettre en place des dispositifs de sensibilisation aux risques de traversée et prendre en charge les personnes survivantes par des plans de secours d’urgence adaptés ;
- mettre en place des temps de coordination entre l’Etat, ses opérateurs et les associations indépendantes.