Région des Grands Lacs : après la conférence de Paris, transformer l’élan diplomatique en réponse concrète
30.10.2025[Paris, le 30 octobre 2025] A l’issue de la Conférence internationale pour la paix et la prospérité dans la région des Grands Lacs, les acteurs de la société civile accueillent avec exigence les engagements pris et rappellent la nécessité de renforcer la réponse à la crise humanitaire en RDC et dans la région des Grands Lacs au cœur des priorités mondiales.
En début de semaine, les organisations congolaises et internationales ont lancé un appel pressant en faveur d’un renforcement des financements humanitaires, d’une protection accrue des populations civiles et du respect des principes humanitaires, ainsi que d’un accès sécurisé et sans entrave à l’aide humanitaire.
Elles ont pu renouveler cet appel au cours de la conférence internationale ce jour, lors de leurs différentes prises de parole. A l’occasion de cette conférence, les Etats ont également fait part de leur volonté de soutenir les efforts de paix, l’aide humanitaire et l’accès humanitaire sûr et sans entraves. Cela s’est notamment concrétisé via les annonces d’octroi de financements additionnels pour soutenir les besoins vitaux des populations de la région et une réponse articulant l’aide humanitaire, le soutien au développement et les efforts de paix dans la région.
Ces annonces, bienvenues, ne pourront avoir d’impact que si elles se traduisent très rapidement par des actes concrets et coordonnés au bénéfice des populations affectées.
Citations :
Action contre la Faim – Florian Monnerie, Directeur d’Action contre la Faim en République démocratique du Congo :
« Depuis des mois, depuis des années, les ONG interpellent sur la situation humanitaire dramatique en République démocratique du Congo. Près de 28 millions de personnes sont confrontées à une insécurité alimentaire aiguë et un enfant sur deux souffre de malnutrition chronique. C’est inacceptable. La conférence de Paris offre une lueur d’espoir et remet aujourd’hui cette crise humanitaire au cœur de l’agenda diplomatique international. Cependant, ce ne sera que demain, sur le terrain, que nous pourrons juger si les paroles prononcées aujourd’hui auront un impact concret sur la vie des populations : si toutes les familles peuvent se rendre en sécurité au centre de santé pour faire soigner leur enfant malnutri, si toutes les communautés peuvent retourner aux champs sans danger et si nous pouvons continuer notre travail sans entrave. »
Contact presse : Ana-Lina Thoueille – athoueille@actioncontrelafaim.org
CARE DRC – Amadou Bocoum, Directeur Pays en RDC :
« Dans l’Ituri, le Sud-Kivu et le Nord-Kivu, la situation humanitaire continue de se détériorer, comme l’ont souligné à plusieurs reprises de nombreux intervenants lors de cette conférence, la situation des femmes et des filles étant particulièrement alarmante. La violence à l’égard des femmes et des filles continue de dévaster les communautés. Selon le HCR, les femmes et les filles représentent 51.1 % de la population déplacée à l’intérieur du pays, ce qui souligne la nécessité urgente de renforcer les efforts de protection. Pourtant, en octobre 2025, seuls 35.1 % du Plan d’intervention humanitaire pour la protection étaient financés. Les rapports indiquent qu’il y a eu plus de 67 000 cas d’agressions sexuelles rien que durant les quatre premiers mois de l’année 2025. Malgré des facteurs aggravants tels que l’insécurité et la crainte de représailles, les femmes et les filles qui parviennent à atteindre les structures de santé après avoir subi des violences sexuelles se heurtent à un autre obstacle : les kits de prophylaxie post-exposition (PPE) ne sont pas disponibles en raison des réductions de financement.
La communauté internationale doit agir sans tarder pour garantir une prise en charge et une protection complète à ces femmes et ces filles qui affrontent tant de dangers pour survivre. Cela peut être réalisé en augmentant les financements, qui sont en baisse et entraînent une pénurie de kits PPE suffisants. »
Contact presse : Louis Ridon – lridon@carefrance.org | +32 47 42 98 961
CONAFOHD (Conseil national des fora des ONG humanitaires et de Développement RDC) – Dr. De-Joseph KAKISINGI, Président :
« L’isolement des villes de Bukavu et Goma, la fermeture des aéroports et la suspension du financement de l’USAID ont entraîné de graves ruptures de stocks de médicaments essentiels et stratégiques tel que les antituberculeux, les antirétroviraux, les antipaludéens, l’ocytocine pour la prévention des hémorragies post-partum, l’insuline, vaccins, etc… Cette situation provoque une hausse des décès materno-infantiles (causés par les hémorragies post-partum) et une recrudescence des maladies autrefois maîtrisées comme la tuberculose, VIH, paludisme, diabète, les épidémies… Nous sommes en face d’une véritable “bombe sanitaire et biologique à retardement”. Dans le contexte actuel, les acteurs locaux jouent un rôle vital pour assurer la continuité de l’aide humanitaire dans les zones les plus reculées et plus instables où les besoins humanitaires sont les plus accrus et où les protocoles sécuritaires des agences et ONGI ne leur permettent pas d’arriver. Cependant, les organisations locales sont de plus en plus contraintes par des restrictions imposées par les parties au conflit. Elles font face aux menaces, intimidations, restriction de mouvements, etc… Sans un accès direct aux financements de qualité, un espace humanitaire libre, sécurisé et accessible pour les acteurs locaux, il deviendra impossible de délivrer l’aide humanitaire en RDC. »
Contact presse : Dr De-Joseph Kakisingi, Président – dejokaki@gmail.com ; dejoseph@conafohd.org
FONGI (Forum des ONGI en RDC) – Luc Lamprière, Directeur :
« La Conférence de Paris a envoyé un signal important : au niveau des discours et des promesses, la solidarité internationale envers les populations de la RDC reste vivante. Les annonces financières, bien qu’une partie soit en réalité un recyclage d’engagements anciens, et les proclamations diplomatiques sont bienvenues. Cependant, elles n’auront de sens que si elles se traduisent par des mesures concrètes sur le terrain — en commençant par la levée immédiate de tous les obstacles administratifs et logistiques qui étouffent la réponse humanitaire.
Plusieurs des Etats présents à Paris l’ont souligné, l’aide humanitaire en des temps de restriction budgétaire doit être intransigeante : chaque dollar retenu par une taxe sur l’action, un blocage dans une administration ou à un poste frontière, c’est un repas, un médicament ou un abri en moins pour une famille déplacée, un médecin qui ne peut soigner, des enfants privés d’école. Ce n’est pas acceptable : l’aide doit parvenir aux populations qui en ont besoin urgemment, elle ne peut être prise en otage en chemin. Les crises sanitaires, les épidémies et la faim ne connaissent, elles, ni lignes de front, ni frontières.
Protéger l’action humanitaire, c’est garantir son indépendance, sa neutralité et son impartialité. C’est aussi reconnaître et protéger les ONG locales et les personnels congolais, présents dans la durée aux côtés des communautés, mais soumis à des pressions croissantes. Cette conférence a rappelé que la crise humanitaire mondiale n’est pas seulement une crise de financement — c’est aussi une crise de sens. Repenser la réponse humanitaire, c’est construire avec les populations et avec les acteurs locaux un avenir où l’urgence et le développement s’articulent enfin autour de la dignité et de la stabilité. La paix, ne l’oublions pas, reste le premier bien humanitaire que demandent les populations. »
Contact presse : Luc Lamprière – representant@forumongi-rdc.org | +243 972 601 848
Human Rights Watch – Bénédicte Jeannerod, Directrice France :
« La conférence sur les Grands Lacs a mis en lumière la situation catastrophique pour les civils dans l’Est de la RDC et permis de pousser les États à renforcer la réponse humanitaire, ce qui est positif. Mais pour marquer un tournant dans la réponse internationale aux conflits dans la région, il est indispensable que les gouvernements concernés agissent concrètement pour protéger les civils pris au piège des conflits et d’une litanie incessante de graves abus par les belligérants, et pour en finir avec l’impunité persistante qui alimente les atrocités depuis des décennies. »
Contact presse : Léa Pernot – pernotl@hrw.org +33 7 83 14 85 83
Médecins du Monde – Jean-François CORTY, Président :
« Dans le Nord-Kivu, 15 000 survivantes de violences sexuelles attendent des soins qui n’existent plus. Sans accès à la contraception d’urgence ni aux traitements post-exposition, ces femmes et ces filles sont condamnées à souffrir en silence. Médecins du Monde demande un soutien politique et financier immédiat pour limiter les conséquences sanitaires et sociales désastreuses à long terme.
Ces dernières années, le système de santé congolais s’est effondré sous le poids du conflit dans la région des Grands Lacs. Sans médicaments ni équipements, difficiles d’accès, les centres de santé ne peuvent plus répondre aux besoins croissants des populations exposées aux épidémies et aux violences. »
Contact presse : Aurélie Godet – aurelie.godet@medecinsdumonde.net // 06 69 76 31 18
Oxfam en RDC – Docteur Manenji Mangundu , Directeur pays d’Oxfam en RDC :
« Des millions de Congolaises et de Congolais attendent une réponse concrète. La conférence de Paris ne peut se contenter de déclarations : elle doit débloquer des financements, garantir l’accès humanitaire et réaffirmer le respect du droit international humanitaire. Si le statu quo perdure, cela reviendra à punir les personnes qui se sentent abandonnées et marginalisées. »
Contact presse : Louis-Nicolas Jandeaux – lnjandeaux@oxfamfrance.org |+33 6 49 15 58 60
SOLIDARITÉS INTERNATIONAL – Justine Muzik Piquemal, Directrice régionale :
« Nous demandons au Humanitarian Reset (initiative portée par les Nations Unies pour améliorer l’efficience de l’action humanitaire) de soutenir les humanitaires pour atteindre les populations dans des environnements de plus en plus difficiles sans déprioriser les besoins. Il faut s’assurer que les risques et la protection du personnel soient une question prioritaire répondue par le Reset. »
Contact presse : Claire Morand – cmorand@solidarites.org | +33 7 85 42 56 99