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Frontière franco-italienne dans les Hautes-Alpes : une avalanche de violations des droits

12.06.2025

Dans les Hautes-Alpes, les pratiques illégales des autorités françaises poussent les personnes exilées à prendre tous les risques pour traverser la frontière qui reste dangereuse malgré la fin de l’hiver. Depuis novembre 2024, sept associations constatent une dégradation du respect des droits et alertent les autorités quant aux violations des droits commises à l’encontre de femmes, hommes et enfants. Mais l’unique réponse sur le terrain a été l’envoi d’une compagnie de CRS pour davantage contrôler les montagnes.

 

Refoulements, mises en danger, dénis des droits, depuis huit ans nos associations – Tous Migrants, l’Anafé, Médecins du Monde et les associations réunies au sein du projet CAFI (Coordination des actions aux frontières intérieures : Amnesty International France, La Cimade, Médecins du Monde, Médecins Sans Frontières et le Secours Catholique-Caritas France) – documentent les pratiques des forces de l’ordre et alertent les autorités sur les conséquences des politiques migratoires mortifères à la frontière. Localement, des personnes solidaires organisent des maraudes, avec Tous Migrants et Médecins du Monde, pour porter assistance aux personnes exilées en difficulté en France, une fois la frontière franchie.

 

Nos constats des derniers mois sont, une fois de plus, alarmants.

De nombreuses personnes sont renvoyées en Italie au mépris de leurs droits fondamentaux, dont certaines qui ont formulé leur volonté de demander l’asile. C’est ainsi le cas d’une femme érythréenne avec son bébé, qui, malgré sa demande d’asile au poste frontière de Montgenèvre, a été refoulée plusieurs fois en Italie ce mois-ci. Un homme de nationalité soudanaise a témoigné le 22 mai avoir passé plus de 22 heures au poste de police avant d’être renvoyé en Italie, malgré sa demande d’asile.

Il y avait pourtant eu une amélioration du respect du droit d’asile entre février et novembre 2024 mais, depuis cette date, les pratiques dans les locaux de la police aux frontières de Montgenèvre se sont à nouveau considérablement dégradées :

 

  • Entretiens expéditifs et non individualisés ;
  • Absence d’informations sur l’accès à un·e avocat·e, à un·e interprète, à un·e médecin ;
  • Renvois en Italie sans notification ni remise de procédures et décisions dont les personnes ont fait l’objet afin d’exercer leur droit de recours ;
  • Situations de grande vulnérabilité non prises en charge ;
  • Conditions de privation de liberté indignes, réponses minimales pour l’accès à la nourriture et à l’eau ;
  • Procédures floues et arbitraires, notamment sur les questions de santé.

 

Le froid et les risques de gelures sont venus, cette année encore, s’additionner aux dangers inhérents au relief montagneux de Montgenèvre. Pour de nombreuses personnes, ce sont les pratiques des autorités françaises qui les ont poussées à opter pour des chemins plus dangereux, comme le reflète le témoignage recueilli cet hiver par nos associations : « une femme isolée avec deux jeunes enfants se présente directement aux locaux de la police aux frontières pour demander l’asile. Elle est refoulée, retente la traversée en se présentant à nouveau à la police. Elle est de nouveau refoulée et finit par passer par la montagne sur des chemins bien plus éloignés et dangereux pour elle et ses jeunes enfants malgré son inquiétude et son appréhension. » Ces dernières semaines, davantage de femmes avec de jeunes enfants, parfois des nourrissons, des femmes enceintes et des familles ont tenté de traverser la frontière.

 

Les contrôles policiers, en ne visant que les personnes exilées, accentuent la dangerosité des parcours migratoires déjà longs et éprouvants, tant pour la santé physique que mentale. Nous avons documenté des situations de courses poursuites engagées par les forces de l’ordre, y compris aux abords de précipices extrêmement dangereux et ce, dans l’obscurité totale de la nuit.

Au cours de l’hiver, nous avons à plusieurs reprises adressé des courriers aux autorités locales afin de les alerter sur nos craintes concernant les mises en danger des personnes, dénoncé les violations de droits constatées à la frontière et condamné les entraves à nos actions. Certaines de nos associations ont d’ailleurs réclamé la fermeture de sentiers dangereux afin de prévenir de nouveaux drames, sans aucune réponse à ce jour de la part de la mairie de Briançon.

 

Nous demandons aux autorités compétentes de respecter le droit international, les droits fondamentaux de toutes et tous, et la décision du Conseil d’État du 2 février de 2024 qui établit le cadre juridique applicable à la frontière, en cessant de refouler les personnes qui souhaitent demander l’asile, de mettre fin à toutes les pratiques d’interpellation dangereuses en montagne, pour que les personnes exilées n’aient plus à prendre des voies de plus en plus dangereuses, parfois mortelles, pour rejoindre la France.