Expulsion programmée des mineurs non-accompagnés des tourelles : où est l’urgence ?
La Mairie de Toulouse a décidé de fermer le site des Tourelles le 7 février prochain, mettant à la rue une centaine d’adolescents. Cet ancien établissement pour personnes âgées dépendantes appartenant au Centre Communal d’Action Sociale (CCAS) est le lieu choisi par la Mairie il y a deux ans pour abriter un dispositif expérimental d’accueil de jeunes mineurs non-accompagnés (MNA) exclus de la protection de l’enfance après une évaluation de leur minorité basée sur des critères subjectifs et aléatoires.
Cette expulsion va intervenir en pleine trêve hivernale, sans diagnostic social préalable, sans solution d’hébergement proposée aux jeunes concernés. En décembre 2021, les jeunes et les associations et collectifs intervenant bénévolement auprès d’eux avaient pourtant engagé un dialogue avec la Mairie, portant sur le devenir de ce dispositif qui devait déménager pour permettre au CCAS de récupérer le site. La Mairie avait alors affirmé que cette perspective n’était pas envisagée avant fin avril 2022. Où est l’urgence à mettre un coup d’arrêt définitif à ce dispositif, alors qu’il s’agit de la seule mise à l’abri possible pour des jeunes exclus de toute protection ?
Les conséquences de cette expulsion sont multiples et violentes. La première, c’est que des jeunes de 15, 16 ou 17 ans vont venir grossir les rangs de ceux déjà trop nombreux qui sont sans toit la nuit alors que nous connaissons encore des températures négatives. Tout cela ne fera qu’ajouter aux traumatismes antérieurs rencontrés sur la route de l’exil, la perte de repères pour des adolescents isolés une fois arrivés en France, l’insécurité administrative, la remise en cause de leur propre identité et de leur vécu, parfois la pénurie alimentaire et vestimentaire.
« Bon nombre de ces jeunes ont d’importantes problématiques de santé (physique et psychique) nécessitant un suivi qui se rompra une fois exclus du dispositif ; cette exclusion des soins pourrait avoir des conséquences graves en termes de santé publique », s’inquiète le Dr Maya Laporte-Vergnes, de Médecins du Monde. Par ailleurs, « ces adolescents sont en pleine année scolaire, déjà affectés par l’angoisse d’un avenir incertain, et cette mise à la rue va évidemment hypothéquer leurs chances de réussite scolaire », déplorent Jennifer Gruman et Florence Bourgade, de l’association Tous-tes En Classe 31. Enfin, la majorité d’entre eux devraient être reconnus mineurs dans les jours ou les semaines qui viennent, tandis qu’entre temps, d’autres seront mis à la rue suite à leur évaluation par le dispositif du Conseil départemental. Tous nécessitent un suivi et un appui dans leurs démarches de recours.
Ces mineurs non-accompagnés (MNA) sont des adolescents que le Conseil départemental n’a pas reconnus mineurs. Le temps que la justice examine leur recours, ils sont alors laissés sans protection, sans accès à un hébergement adapté, sans suivi éducatif, sans accès aux soins et à l’éducation et sans possibilité de répondre à leurs besoins fondamentaux. Plus de 80% d’entre eux sont finalement reconnus mineurs par le juge et pris en charge par l’ASE. Pendant les longs mois que prend l’examen de leur recours, le site des Tourelles, bien qu’inadapté à l’accueil des mineurs et sous-dimensionné, est aujourd’hui le seul lieu où ils peuvent être mis à l’abri et recevoir au quotidien une assistance des associations présentes (santé, éducation, aide juridique, aide alimentaire, etc.). La Mairie et les associations et collectifs portent donc à bout de bras ce dispositif, à la place du Conseil départemental qui n’assume pas ses responsabilités. Il est essentiel que la Mairie poursuive ce rôle tant que d’autres dispositifs adaptés à leur âge et à leur isolement ne sont pas trouvés.
Nous appelons donc la Mairie à renoncer à la fermeture annoncée et à poursuivre le dialogue entamé avec les jeunes, les associations et collectifs intervenant auprès d’eux, et ses partenaires institutionnels (Etat et département) pour travailler à des solutions d’accueil adaptées et respectueuses des droits de chacun.
Pour appuyer ces revendications, les jeunes et les associations et collectifs organiseront un rassemblement sur la place du Capitole vendredi 4 février à 18h et invitent le public à s’y associer.
Contact presse :
Médecins du Monde (MdM) – nicolas.puvis@medecinsdumonde.net