Pour être crédible dans ses efforts pour mettre fin aux souffrances du peuple yéménite, la France doit impérativement lever tout soupçon de complicité
de crimes de guerre
Une coalition de 17 ONG humanitaires et de défense des droits humains réitère aujourd’hui son appel à l’arrêt immédiat des ventes d’armes françaises à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis, à la lumière de deux événements majeurs qui ont eu lieu cette semaine. La mort dimanche de plus de 100 détenus dans un raid aérien au nord du Yémen et la publication mardi du rapport du Groupe d’éminents experts sur le Yémen ont à nouveau démontré l’étendue des attaques contre les populations civiles au Yémen et l’urgente nécessité de cesser d’alimenter le conflit en armes.
Dhamar : plus de 100 morts dans l’une des pires attaques depuis le début de la guerre
Le 1er septembre, plus de cent personnes ont été tuées dans une série de frappes aériennes de la coalition menée par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis sur un centre de détention à Dhamar, en zone contrôlée par les Houthis. Cette attaque, l’une des plus meurtrières depuis le début du conflit, illustre le mépris absolu de l’ensemble des parties pour les règles qui régissent les conflits : les frappes de la coalition ont visé des prisonniers, en violation des conventions de Genève et du droit international humanitaire.
Le site visé était une ancienne université transformée en prison par les Houthis, ce qui constitue un détournement d’infrastructures civiles à des fins militaires. Les organisations signataires soutiennent la demande de l’Envoyé spécial des Nations Unies d’ouverture d’une enquête crédible et indépendante sur ce tragique incident, qui n’est que le dernier d’une longue série d’attaques similaires restées impunies.
La France pointée du doigt par les experts de l’ONU
sur le Yémen
Deux jours après l’attaque de Dhamar, le Groupe d’éminents experts sur le Yémen, créé en 2017 par le Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies pour faire la lumière sur les violations du droit international commises au Yémen, a documenté dans un rapport une multitude de crimes de guerre commis par l’ensemble des parties au conflit, dont le gouvernement du Yémen, les Émirats arabes unis, L’Arabie saoudite et les Houthis. Intitulé « Yémen : Échec collectif, responsabilité collective », le rapport détaille de nombreux cas de raids aériens visant des civils, d’utilisation d’autres armes explosives en zone peuplées, de torture, de disparitions forcées, de violences sexuelles, d’entraves à l’accès humanitaire.
Au-delà des parties au conflit, les experts de l’ONU pointent directement la responsabilité de la France, de l’Iran, du Royaume-Uni et des États-Unis qui, en fournissant du renseignement, un soutien logistique ou des armes aux parties au conflit, pourraient se rendre complices de crimes de guerre. En écho aux alertes lancées depuis des années par les ONG
, les experts rappellent qu’il existe un débat sur la légalité des transferts d’armes françaises, britanniques et américaines, en citant les contentieux en cours. Au Royaume-Uni, le gouvernement a été contraint de limiter ses ventes d’armes après que la cour d’appel de Londres a jugé illégal, en juin, le processus d’octroi de licences d’exportations. En France, une procédure visant à suspendre les licences d’exportations d’armes est toujours en cours devant les juridictions administratives.
Les experts de l’ONU concluent leur rapport en demandant à tous les États de s’abstenir de fournir des armes susceptibles d’être utilisées dans le conflit au Yémen. Les organisations signataires appellent instamment le gouvernement français à suivre ces recommandations et à stopper immédiatement ses transferts d’armement à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis, compte tenu de l’étendue des violations dont ils continuent à se rendre coupables et du risque avéré que du matériel militaire français soit utilisé pour les commettre.
Pour être crédible dans ses efforts pour mettre fin aux souffrances du peuple yéménite, la France doit impérativement lever tout soupçon de complicité de crimes de guerre et cesser d’alimenter le conflit en armes. Après 5 ans de guerre, le Yémen ne peut plus attendre.