Quelles décisions avez-vous prises lorsque l’épidémie de coronavirus s’est étendue en Italie ?
Avec le confinement de la population en Italie, nous avons dû arrêter les activités de Médecins du Monde dans les centres pour migrants où nous intervenions. Nous avions programmé des activités de formation pour les opérateurs de ces centres d’accueil, des activités psychosociales avec les mineurs, les femmes, principalement des activités de sensibilisation à la santé sexuelle et reproductive et aux violences liées au genre. L’urgence coronavirus a tout bousculé.
Comment avez-vous réorienté vos activités en Italie ?
Dans un premier temps, nous avons décidé d’élaborer du matériel de prévention relatif au coronavirus en différentes langues. Nous l’avons fait diffuser par l’association ARCI (Association italienne de loisirs et de culture) qui a développé un site internet sur lequel sont répertoriés les services auxquels les demandeurs d’asile et les migrants en général peuvent accéder en Italie. Nous avons également proposé un appui à ce service par le biais des médiateurs culturels avec lesquels nous travaillons régulièrement.
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Quelles sont les difficultés rencontrées par les réfugiés face à la crise sanitaire du coronavirus en Italie ?
En général, les personnes qui ont des symptômes du Covid-19 appellent leur médecin généraliste qui active tout le réseau des opérateurs de santé pour les mettre à l’isolement ou les faires contrôler par les services sanitaires régionaux italiens. Or nous travaillons avec des migrants hébergés en centres d’accueil mais également avec ceux qui sont à la rue et dans des squats de Rome qui n’ont pas de médecin généraliste attitré et donc pas d’accès direct au protocole de prise en charge. Pour ces personnes, nous avons activé une ligne téléphonique. Cette permanence d’information est gérée par un de nos médecins. Nous ne pouvons pas faire de suivi médical mais nous pouvons orienter les migrants vers les services adéquats, avec l’appui d’un service de traduction.
Nous travaillons avec des migrants à la rue et dans des squats de Rome qui n’ont pas de médecin généraliste attitré et donc pas d’accès direct au protocole de prise en charge.

Quelles sont les demandes des personnes qui appellent cette permanence d'information ?
Elles sont variées. Mais c’est à travers ce service que nous avons été contactés par un habitant du Selam Palace, le grand squat en périphérie de Rome où sont installés plus de 500 réfugiés issus pour la plupart de la corne de l’Afrique – d’Érythrée, d’Éthiopie, de Somalie –, et dans lequel nous avions des activités de promotion de la santé. Cette personne avait des symptômes qui pouvaient être liés au coronavirus. J’ai appelé le responsable de santé de l’agglomération romaine car les conditions sanitaires et le contexte de confinement dans ce lieu sont très précaires. La personne a été testée positive et transportée à l’hôpital, puis le bâtiment a été sécurisé par les forces de l’ordre pour éviter les entrées et sorties. Avec l’aide de notre médiateur érythréen qui a lui-même vécu là, nous nous sommes déplacés pour rassurer la population, expliquer les mesures, la présence de combinaisons, et garantir le suivi du traitement des personnes souffrant de maladies chroniques.
Ensuite, des médecins de l’hôpital Spallanzani, l’hôpital de référence national pour le coronavirus, sont venues effectuer des tests sur toutes les personnes vivant au même étage de l’immeuble. 30 sur 70 se sont avérées positives. Les six étages doivent être testés et les personnes positives transférées dans des structures identifiées, comme des hôtels, pour être placées dans des conditions d’isolement plus sûres.
Comment pouvez-vous aider les populations migrantes à se protéger du coronavirus ?
Au Selam Palace et dans un autre squat de Rome nous avons distribué des articles d’hygiène afin d’améliorer l’environnement de vie et les conditions sanitaires. Des gants, de l’eau de javel, des serpillères, de l’alcool pour désinfecter les espaces communs mais également quelques produits d’hygiène personnelle. Nous avons également fourni ces produits dans des campements informels de Calabre où des migrants, employés comme saisonniers pour la récolte des agrumes, vivent dans des conditions très précaires.

Nous avons également organisé des tchats sur la prévention, avec des médecins et des psychologues, à travers une plateforme à destination des jeunes migrants gérée avec l’UNICEF. D’autres ont été programmés, notamment à l’attention de la communauté érythréenne avec un influenceur, lui-même érythréen, qui a un réseau important.
Nous soutenons également Caritas, qui a un centre pour les personnes sans domicile et démunies près de la gare centrale de Rome. Ils avaient besoin d’une aide pour les visites médicales dans le cadre de cette épidémie. Nous avons donc mis à disposition un médecin. Aujourd’hui nous prévoyions de reprendre les sessions de sensibilisation à distance dans les centres d’accueils pour réfugiés où nous intervenions et de reprogrammer les formations pour les personnels.