Les humanitaires accueillent avec prudence l’annonce du cessez-le-feu et exigent la fin de deux années de déplacement forcé des Palestiniens à Gaza
15.10.2025

© Médecins du Monde Suisse / Avril 2024
L’annonce d’un cessez-le-feu apporte un moment de soulagement et d’espoir attendu depuis longtemps. Cependant, elle doit marquer le début, et non la fin, de l’engagement de la communauté internationale à assumer ses responsabilités.
Cette annonce intervient dans un contexte de crise profonde, alors que la vie à Gaza est au bord du gouffre. Une famine d’origine humaine s’est installée à cause du blocus israélien continu et illégal de la bande de Gaza. Des dizaines de milliers d’enfants risquent de mourir de malnutrition aiguë dans les mois à venir. Des femmes, des enfants et des hommes ont été gravement privés des biens essentiels à leur survie et à leur dignité : nourriture, eau, carburant, abris et soins médicaux.
Les bombardements incessants et aveugles ont tué plus de 66 000 personnes et en ont mutilé plus de 150 000, rendant invalides au moins 21 000 enfants, tout en détruisant des quartiers entiers et en anéantissant des générations de familles. Des milliers d’autres sont toujours portées disparues sous les décombres. Plus de 92 % des habitations, 518 écoles, ainsi que des hôpitaux, des infrastructures d’eau, d’éducation et de subsistance ont été détruits, endommagés ou contaminés par des munitions non explosées.
Le cessez-le-feu doit permettre de créer les conditions d’une action humanitaire sûre, fondée sur les principes, et d’assurer la protection des civils.
Aujourd’hui, le 13 octobre 2025, cela fait deux ans qu’Israël a ordonné le premier déplacement massif de 1,1 million de Palestiniens à Gaza, un ordre qui constitue un transfert forcé, un crime contre l’humanité et une forme de punition collective interdite par le droit international humanitaire. En violation de ses obligations juridiques internationales, Israël a déplacé de force, à plusieurs reprises, au moins 1,9 million de personnes à Gaza, provoquant une catastrophe humanitaire où enfants, femmes enceintes, personnes âgées, personnes handicapées, malades et blessés luttent pour fuir, accéder à l’aide ou simplement survivre dans des conditions périlleuses.
Des transferts forcés ont lieu dans l’ensemble du territoire palestinien occupé. En Cisjordanie, notamment à Jérusalem-Est, des milliers de personnes ont été déplacées de force depuis octobre 2023, le plus alarmant étant le déplacement massif d’environ 32 000 Palestiniens des camps de réfugiés de Jénine, Tulkarem et Nur Shams, dans le nord de la Cisjordanie, toujours empêchés de rentrer chez eux.
Le mois dernier, la Commission d’enquête internationale indépendante des Nations Unies sur le territoire palestinien occupé a conclu que les autorités israéliennes commettaient un génocide contre les Palestiniens de la bande de Gaza. À la suite de ces conclusions, les dirigeants des principales organisations humanitaires ont appelé les dirigeants mondiaux à intervenir.
Ces conclusions imposent à tous les États des obligations juridiques claires : prévenir de nouvelles destructions, garantir la responsabilité et faire respecter les protections prévues par le droit international.
Le cessez-le-feu doit permettre de créer les conditions d’une action humanitaire sûre, fondée sur les principes, et d’assurer la protection des civils. Jusqu’à présent, l’accès à l’aide humanitaire a été systématiquement refusé ou gravement entravé. Des centaines de travailleurs humanitaires et de professionnels de santé ont été pris pour cible et tués. Malgré l’existence d’un mécanisme de coordination des Nations Unies, qui a permis d’atteindre les communautés malgré d’innombrables obstacles imposés par les autorités israéliennes, l’aide a été restreinte par un modèle de distribution militarisé et dangereux, responsable de la mort de plus de 3 000 civils. Les convois d’aide sont bloqués, des ponts et des routes détruits.
Les efforts diplomatiques ont trop souvent échoué à faire respecter le droit international et à protéger les civils. Le cessez-le-feu doit donc constituer la base d’une action durable et continue, une action visant à rétablir la protection et l’accès à l’aide humanitaire, à permettre le retour volontaire et sûr des personnes déplacées, et à garantir la responsabilisation.
- En tant que communauté des ONG humanitaires, nous demandons :
- Un cessez-le-feu permanent et effectif, assorti de garanties.
- La protection des civils, des travailleurs humanitaires et des professionnels de santé.
- Le retour sûr, volontaire et digne des Palestiniens dans leurs foyers à travers l’ensemble du territoire palestinien occupé, accompagné d’une réponse humanitaire suffisante pour couvrir tous les besoins.
- La protection et la restauration des infrastructures et services civils essentiels, notamment les systèmes de santé, d’eau et d’assainissement.
- Un accès humanitaire complet, sûr et sans entrave pour les organisations indépendantes, afin qu’elles puissent fournir une aide vitale rapide et complète, nourriture, médicaments, carburant, protection et services essentiels, à l’échelle nécessaire.
- La libération immédiate des Palestiniens détenus arbitrairement, notamment ceux incarcérés sans inculpation ni jugement en tant que détenus administratifs.
- La fin de la militarisation de l’aide humanitaire et la suppression des obstacles administratifs, notamment liés à l’enregistrement des OING internationales.
- Le respect par tous les États de leurs obligations, en particulier celle de prévenir de nouvelles atrocités, conformément au droit international, à l’avis consultatif de la CIJ sur la présence d’Israël dans le territoire palestinien occupé, à la Convention sur le génocide et au droit international humanitaire.
- L’arrêt immédiat des transferts d’armes, de pièces détachées et de munitions vers Israël, afin d’empêcher leur utilisation en violation du droit international, conformément au Traité sur le commerce des armes et à la résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies relative à l’avis consultatif de la CIJ.
- Une vision collective, transparente et coordonnée pour la reconstruction de Gaza, portée par la volonté et l’autodétermination du peuple palestinien.
Le territoire palestinien occupé ne peut être une exception au droit qui nous lie tous.
Signataires :
1. Abs Development organisation for woman and child
2. ACT Alliance
3. Act for Peace
4. ActionAid International
5. Action For Humanity
6. Africa Humanitarian Action
7. All We Can
8. American Friends Service Committee, AFSC
9. Asylum Access
10. CAFOD
11. Caritas International Belgium
12. Caritas Middle East and North Africa – Caritas MONA
13. Children of Earth Association- YEÇED
14. Christian Aid
15. Church World Service
16. Disable Development & Educational Foundation (DDEF)
17. DT Peduli
18. Golden Future Indonesia
19. Hayata Destek / Support to Life
20. HelpAge International
21. Horan Foundation
22. Human Initiative
23. ICVA Network Secretariat
24. IHH Humanitarian Relief Foundation
25. Insecurity Insight
26. International Blue Crescent Relief and Development Foundation
27. INTERSOS
28. Islamic Reliefa
29. Islamic Relief Agency (ISRA)
30. KinderUSA
31. Laznas Dewan Da’wah
32. MedGlobal
33. Médecins du Monde International Network
34. Mennonite Central Committee
35. National Foundation for Development and Humanitarian Response
36. Nonviolent Peaceforce
37. Palestinian NGO Network (PNGO)
38. Philippine Humanitarian Care (PHILCARE) Inc.
39. Qudwah Indonesia
40. Refugee Council of Australia
41. Refugee Solidarity Network
42. Refugee-Led Organization Network (RELON) Uganda
43. Rumah Zakat 44. Samaj Kalyan O Unnayan Shangstha (SKUS)
45. SEAHUM Southeast Asia Humanitarian Committee
46. Syrian Networks League (SNL)
47. Terre des hommes Foundation
48. United Against Inhumanity (UAI)
49. Women’s Refugee Commission
50. Yayasan Dompet Dhuafa Republika
51. Yemen HDPNexus Initiative
52. Yemen National NGOs Forum