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Le prétendu plan humanitaire de Trump pour Gaza est un degré supplémentaire dans l’abject
Jean-François Corty, président de Médecins du monde, témoigne des difficultés grandissantes pour les humanitaires d’agir à Gaza, alors que le contrôle d’Israël rend difficile toute opération. Une situation que le « plan » de Donald Trump pourrait encore aggraver, s’inquiète-t-il.
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Cette tribune a été publiée dans La Croix le 22 mai 2025
Certains membres du gouvernement israélien ont déclaré dernièrement vouloir occuper de manière pérenne la bande de Gaza et déplacer l’intégralité de sa population, soit environ 2,2 millions de personnes, y compris dans des endroits où rien ne prédispose à les recevoir. Il s’agit là d’une étape intermédiaire avant leur expulsion probable vers d’autres pays et la concrétisation du projet de Riviera du Moyen-Orient, cher au président Trump.
Celui-ci a, dans le même temps, proposé un plan d’aide « humanitaire » soutenu par le gouvernement israélien. Ainsi, une soixantaine de camions remplis de nourriture rentreraient chaque jour par le passage de Kerem Shalom afin que celle-ci soit stockée dans quatre ou cinq hubs prévus à cet effet. Les bénéficiaires pourraient alors accéder à cette aide alimentaire selon des critères d’identification peu clairs à ce jour et un usage de techniques de reconnaissance faciale. Le tout serait géré par des organismes n’ayant d’humanitaire que le nom, soutenus par des sociétés privées de mercenaires américains et sous protection de militaires israéliens.
Les Nations unies et des ONG opérationnelles dans la région ont rapidement dénoncé ces annonces qui s’ajoutent à celles de nouvelles procédures d’enregistrement restrictives imposées par les autorités israéliennes, qui interdisent toute critique à leur égard. En somme, une privatisation et une militarisation de l’aide en rupture avec les principes d’humanité, de neutralité, d’indépendance et d’impartialité qui bordent la raison humanitaire, après dix-huit mois de mépris du droit international humanitaire.
Humaniser la guerre à Gaza
Depuis les atrocités du 7 octobre, les acteurs humanitaires sous pression tentent d’humaniser la guerre à Gaza malgré l’insécurité – près de quatre cents des leurs ont été tués – et les conditions de vie déplorables des équipes soumises, comme toute la population, à un siège aujourd’hui total et des bombardements non discriminés. Malgré la faim, la soif et la destruction du bâti utilisées comme armes de guerre, les humanitaires tentent de limiter les risques classiques d’instrumentalisation par les parties prenantes aux conflits.
Alors que Médecins du monde révèle dans un nouveau rapport qu’une femme enceinte ou allaitante sur cinq et près d’un enfant sur quatre examinés dans ses centres souffrent de malnutrition aiguë ou présentent un risque élevé de malnutrition aiguë, le système américain proposé est tout sauf une solution.
Son caractère humanitaire relève de l’oxymore et son mécanisme est un degré supplémentaire dans l’abjecte que les ONG et les Nations unies ne pourront accepter pour au moins trois raisons : le non-respect des principes humanitaires élémentaires qu’il implique, le fait de créer une dépendance totale des civils à un système unique sans autres alternatives, enfin la conséquence pour les acteurs humanitaires d’être considérés comme des opérateurs d’une partie au conflit. De surcroît lorsque cette partie s’apprête à nouveau à engendrer un déplacement forcé de population, et alors même que l’organisation Amnesty International évoque encore un génocide en cours dans un dernier rapport.
Réduire au silence les humanitaires
Par ailleurs, les nouvelles mesures israéliennes d’enregistrement des ONG internationales ne tolèrent aucun témoignage sur de possibles violations des droits humains de leur part. Elles sont conçues pour réduire au silence et pour renforcer le contrôle sur les opérations indépendantes d’aide humanitaire, de développement et de consolidation de la paix, loin des considérations démocratiques habituelles.
Il en est de même pour les ONG israéliennes pour lesquelles une nouvelle législation prévoit d’imposer une taxe pouvant atteindre 80 % sur les financements en provenance de gouvernements étrangers, tout en leur interdisant de saisir le système judiciaire. Les visas de travail délivrés au personnel international ainsi que les permis permettant aux Palestiniens résidant en Cisjordanie d’accéder à Jérusalem-Est sont déjà limités, avec des conséquences opérationnelles majeures. Pourtant, Israël, en tant que puissance occupante, est tenu au regard du droit international d’assurer le bien-être de la population et de faciliter une assistance humanitaire impartiale.
On l’aura compris, les acteurs humanitaires devront faire face à un dilemme si les annonces israéliennes et américaines se concrétisent. Celui de devoir poursuivre ou pas leurs opérations à Gaza et en Cisjordanie, au risque de la compromission avec une politique coloniale assumée. Il en va en revanche autrement de la plupart des États européens, dont la France, signataires du traité de Rome en faveur de la prévention et de la lutte contre les crimes de masse, qui semblent avoir déjà fait le choix complice de l’inaction au profit de gesticulations compassionnelles et communicationnelles. Ils pourraient en être un jour redevables devant les juridictions internationales.