Proposition de réouverture des "maisons closes" : une nouvelle offensive contre les droits fondamentaux des travailleurs et travailleuses du sexe
17.12.2025
© Boris Svartzman / Lotus Bus de Médecins du Monde 2012
À l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination des violences faites aux travailleuses et travailleurs du sexe (TDS), la Fédération Parapluie Rouge (FPR) et ses alliés expriment leur profonde inquiétude face à une nouvelle offensive contre les droits fondamentaux des TDS.
La FPR alerte en particulier sur la proposition du Rassemblement National (RN) visant à « la réouverture des maisons closes tenues par les prostituées elles-mêmes ». Sous couvert d’une mesure présentée comme protectrice, cette volonté s’inscrit dans une stratégie d’enfermement visant à adopter une politique du travail sexuel toujours autant sécuritaire. Prétextant une amélioration des conditions de vie et de travail des TDS, elle vise en réalité à diviser les TDS entre les légitimes qui seraient enfermées en France et celles qui ne le sont pas, notamment les personnes migrantes qui se verraient expulsées, alors même qu’elles sont déjà particulièrement vulnérabilisées.
Face à cette offensive, les voix des TDS sont encore une fois invisibilisées au profit d’entrepreneurs de morale qui promeuvent activement la criminalisation du travail du sexe en revendiquant le statu quo sur le sujet.
Alors que la décriminalisation est largement défendue par les TDS, leurs organisations, les associations de santé et de défense des droits humains, elle est effacée du débat public. Cette politique publique respectueuse des droits des personnes concernées est pourtant déjà mise en œuvre dans d’autres contextes tels que la Nouvelle-Zélande ou la Belgique. Le RN ne saurait faire illusion en dissimulant ses volontés hygiénistes sous un apparat de respect des droits fondamentaux.
Une telle proposition ne répond en rien à la réalité du travail sexuel.
La réouverture de maisons closes n’est pas une demande des TDS. Les versions « coopératives » évoquées par le RN demeureraient des dispositifs fermés et excluants, notamment pour les personnes migrantes, renforçant encore leur vulnérabilité. Une telle proposition ne répond en rien à la réalité du travail sexuel, qui constitue pour nombre de personnes précarisées l’une des rares ressources disponibles dans l’économie informelle.
Les associations soulignent qu’une décriminalisation, sans politique publique globale visant à combattre la stigmatisation, le racisme institutionnel, les violences policières et l’austérité qui frappe en premier lieu les femmes et les personnes trans, ne serait qu’un « cache-misère ». Le RN, en particulier, ne propose aucune mesure pour améliorer les conditions de vie des personnes trans, racisées, exilées et précarisées, ni pour abroger les arrêtés municipaux et préfectoraux anti-prostitution, qui sont l’une des sources majeures du harcèlement policier des TDS de rue.
Nos organisations rappellent que, comme en 2016 lors de l’adoption de la pénalisation des clients, les TDS n’ont à nouveau pas été consultés. Ce mépris répété n’a que trop duré et a conduit la FPR à lancer une large consultation communautaire avec un consortium de chercheurs et chercheuses en droit, sociologie, histoire du droit et science politique, dans le cadre du programme ANR « Droit(s) et Politique(s) du Travail Sexuel 2026 ». Les résultats alimenteront une proposition de loi communautaire, qui sera présentée lors d’un événement au Sénat le 13 avril 2026, à l’occasion des dix ans de la loi de 2016. Une journée d’étude organisée par le projet ANR-DPTSLIEPP (Sciences Po Paris) suivra le 14 avril.
Enfin, les associations communautaires, alliés, chercheuses et représentants de la société civile appellent le monde politique et médiatique à associer les TDS à l’élaboration des politiques publiques qui les concernent, seule voie d’élimination des violences faites à leur encontre.
Signataires
AATDS, Acceptess T, Act Up Paris, AIDES, Arcat, Bad Boys, Cabiria, Collectif Lupae, Grisélidis
Médecins du Monde, Paloma, PASTT, PDA, Le Prisme, Les Roses d’Acier, Le Planning familial, Les Pétrolettes, Tullia