Payer 15$ ses serviettes hygiéniques, couper soi-même son cordon ombilical sous les tirs : Médecins du Monde témoigne du quotidien invivable des femmes et des filles à Gaza
08.10.2025

© MAJDI FATHI / NurPhoto / NurPhoto via AFP
Après deux ans de guerre à Gaza, Médecins du Monde publie aujourd’hui une étude de terrain accablante qui dénonce les entraves systématiques mises en œuvre par le gouvernement israélien à l’accès des femmes et des filles aux soins de santé sexuelle et reproductive à Gaza.
Ces attaques portent atteinte à leur intégrité physique et mentale, à leur dignité, à leur intimité et à l’avenir de tout un peuple. Ce sont des éléments constitutifs du génocide. Il est impératif que les Etats tiers interviennent pour instaurer un cessez-le-feu immédiat et pour mettre fin à ces crimes contre l’humanité et crimes de guerre.
Certaines femmes perdent leur bébé à cause des traumatismes causés par les massacres. D’autres accouchent dans des abris surpeuplés, sans anesthésie ni médicaments.
Médecin gazaouie et conseillère en santé sexuelle et reproductive à Médecins du Monde
Entre mai 2024 et août 2025, Médecins du Monde a documenté des attaques continues contre les centres de santé, une pénurie dramatique de personnel et de matériels essentiels à Gaza. Dans ce contexte, l’accès aux soins prénataux, aux services obstétricaux d’urgence, à la planification familiale et à la protection contre les violences sexuelles et sexistes est gravement entravé.
- Sur 22 747 consultations en santé sexuelle et reproductive réalisées dans les centres de santé de Médecins du Monde à Gaza, 36 % concernaient des infections génitales liées au manque d’eau et d’hygiène, et au coût élevé des protections menstruelles (minimum 15 $ pour un paquet de serviettes hygiéniques de moindre qualité) – certaines femmes nous rapportent devoir utiliser des bouts de tissus usagés comme protection, par exemple.
- 84 % des femmes infectées avaient été déplacées au moins une fois depuis le début de la guerre.
- 85 % des femmes enceintes risquent de subir des complications au cours de leur grossesse, et nos équipes constatent que la malnutrition les touche de plus en plus, faisant d’elles les premières victimes de cette famine intentionnelle qui risque de s’étendre dans le sud de l’enclave si rien ne change (le taux de malnutrition des femmes enceintes et allaitantes dépistées est passé de 31,3% en juillet 2025 à 35% en août 2025 par exemple).
-
+ 300
%
d’augmentation du nombre de fausses couches.
Autre chiffre alarmant, selon le ministère palestinien de la Santé, les fausses couches ont augmenté de 300 %. Ce sont des conséquences directes du conflit, du manque d’accès à la contraception et d’accès à l’avortement, ainsi que de l’absence de suivi de grossesse.
- De manière globale, nos équipes ont constaté une hausse des consultations curatives et une baisse des consultations préventives comme les suivis prénataux. Cette tendance a surtout été observée dans les zones les plus touchées par les attaques, en particulier dans le nord de l’enclave.
- Lors de la trêve de janvier à mars 2025, les infections ont chuté de 50 % et les consultations prénatales ont augmenté : preuve que ces souffrances sont totalement créées par le blocus et la guerre.
« Une grossesse ne s’arrête pas pendant la guerre. Certaines femmes perdent leur bébé à cause des traumatismes causés par les massacres. D’autres accouchent dans des abris surpeuplés, sans anesthésie ni médicaments, parfois contraintes de couper elles-mêmes leur cordon ombilical sous les tirs. Beaucoup de mères nous disent qu’elles n’ont pas la force nécessaire pour nourrir leurs nouveau-nés. »
Dr Israa Saleh, Médecin gazaouie et conseillère en santé sexuelle et reproductive à Médecins du Monde
Ces situations dramatiques, entièrement provoquées par l’action humaine, mettent en danger la vie et la dignité des femmes et des filles. Elles compromettent aussi l’avenir des générations futures, et donc la survie du peuple palestinien.
« À Gaza, chaque jour, ce ne sont pas seulement des vies et des infrastructures qui sont détruites. En s’attaquant à la santé des femmes et des filles, les autorités israéliennes anéantissent aussi l’avenir de tout un peuple. Après deux ans de guerre totale, Médecins du Monde réitère son appel aux Etats tiers à faire pression sur les autorités israéliennes pour instaurer un cessez-le-feu et lever toutes les barrières à l’entrée de l’aide humanitaire. Le respect de leurs engagements pris dans le cadre de la Convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide l’exige. Il est urgent d’agir maintenant pour stopper ces crimes contre l’humanité et crimes de guerre, avant qu’il ne reste plus de population gazaouie à protéger. »
Dr Jean-François Corty, Président de Médecins du Monde.
Téléchargez notre enquête
Médecins du Monde dans le territoire palestinien occupé
Médecins du Monde intervient sur l’ensemble du territoire palestinien occupé depuis plus de 20 ans avec une équipe de 120 personnes à Gaza et 78 en Cisjordanie.
- À Gaza, nos équipes assurent des soins de santé primaire à travers plusieurs centres de santé. Elles permettent des consultations de médecine générale, de santé mentale et soutien psychosocial, des soins en santé sexuelle et reproductive, de la vaccination, et un soutien nutritionnel notamment.
- En Cisjordanie, Médecins du Monde opère de Ramallah à Jenin. L’équipe aide à réhabiliter les cliniques locales, fournit des médicaments et équipements médicaux et déploie une unité de santé mobile pour répondre aux besoins accrus, notamment en santé mentale, tout en renforçant la préparation aux urgences des acteurs de santé.
Guerre Israël-Palestine