Médecins du Monde victime d’un vol de Carte Bleue, la situation sous contrôle

Travailleuses du sexe

© Lam Duc Hien

La situation des travailleuses et travailleurs du sexe en France

Il existe une extrême diversité de situations dans le travail du sexe et le marché de la prostitution. Si certaines personnes exercent un travail sexuel de manière consentie et assumée, d’autres sont exploitées, voire contraintes à proposer des services sexuels. Il existe de fait entre ces extrêmes autant de situations qu’il existe de travailleuses et travailleurs du sexe : situations familiales, sociales, économiques, marquées par des contextes de vie, des capacités de discernement, des choix, des contraintes et des vulnérabilités différentes.

En France, du fait de la stigmatisation, de lois répressives sur le travail du sexe et sur la migration, les travailleurs et travailleuses du sexe cumulent souvent plusieurs facteurs de vulnérabilisation : accès au logement difficile, situation sociale et administrative souvent précaire, discriminations en raison de leur genre, origine, identité de genre, etc. La crainte d’être stigmatisé du fait de leur activité renforce encore les freins rencontrés dans leurs accès aux soins et aux droits.

© Diane Grimonet

Bus de Médecins du Monde intervenant pour faire de la prévention auprès des travailleuses du sexe

Une législation néfaste écrasant les travailleuses du sexe

La loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées a abrogé le délit de racolage public, mis en place un parcours de sortie de prostitution et instauré un volet répressif avec la pénalisation des clients.

A cause de cette dernière mesure, les personnes qui se prostituent se cachent, se rendent dans des lieux plus reculés et sont donc plus isolées et exposées aux violences. En effet, le fait de pénaliser les clients dans le cadre de cette loi sur la prostitution revient à mettre en danger les travailleuses du sexe. Lorsqu’elles sont migrantes, elles subissent également la répression contre les étrangers et sont confrontées aux mêmes difficultés que tout migrant vivant en France rencontre pour accéder aux soins et à une protection maladie.

De plus, pour de nombreuses travailleuses du sexe, sortir de la prostitution n’est pas une option envisageable. De fait, la lutte contre la prostitution revient à piétiner les droits des femmes, en les forçant notamment à agir dans la clandestinité et dans la honte.

La multiplication des formes de violences sur les prostituées

Selon une enquête de 2018 menée par deux chercheurs, en coopération étroite avec un réseau d’associations de terrain dont Médecins du Monde, 63% des travailleuses et travailleurs du sexe ont connu une détérioration de leurs conditions de vie et d’exercice de leur activité depuis l’adoption de la nouvelle loi du 13 avril 2016 et 78% ont été confrontés à une diminution de leurs revenus [Le Bail 2018]. Les résultats de cette enquête ont également mis en évidence une augmentation des violences multiformes : insultes de rue, harcèlement, violences physiques, violences sexuelles, vols, braquages dans les appartements.

Le sujet du consentement lors de rapports sexuels durant l’activité de prostitution est, lui aussi, soumis à de nombreux abus. Les violences faites aux femmes et travailleuses du sexe, ainsi qu’aux hommes et aux minorités de genre dans le cadre des relations sexuelles tarifées nécessitent d’être prises en compte de toute urgence.

Notre action auprès des travailleuses du sexe

Depuis 1999, les équipes de Médecins du Monde organisent des tournées régulières sur les lieux de prostitution à Montpellier, Paris et Rouen et proposent un accueil dans leurs locaux. Les travailleurs et travailleuses du sexe ont ainsi accès au matériel de prévention nécessaire à leur activité professionnelle, à des entretiens de prévention et à des consultations médicales et sociales individualisées. Nous leur proposons également de dépister les maladies sexuellement transmissibles (sida, hépatites, etc.).

Les travailleuses et travailleurs du sexe ont accès au matériel de prévention nécessaire à leur activité professionnelle, à des entretiens de prévention et à des consultations médicales et sociales individualisées

Nous avons également développé un programme national de lutte contre les violences faites aux travailleuses du sexe, dans le cadre duquel nous proposons des formations sur les violences aux personnes qui se prostituent et aux associations travaillant avec elles et des ateliers d’information sur les droits en cas de violence. Dans ce cadre, nous avons également développé un site internet d’alerte et d’information, le projet Jasmine, afin de permettre aux travailleuses du sexe de se prémunir contre les violences en évitant d’accepter les agresseurs se faisant passer pour des clients. Le site offre également un accès à de l’information sur l’accès au droit et aux soins en 10 langues.

C’est donc dans cette démarche accompagnant l’activité de prostitution des travailleuses du sexe que Médecins du Monde oeuvre à encadrer les hommes et femmes prostituées : à contre courant des abolitionnistes qui poussent à la criminalisation des actes sexuels tarifés, et qui retranchent les femmes du milieu de la prostiution dans des endroits synonymes d’insécurité et de précarité.

La barrière de la langue et les travailleuses du sexe

Un maximum d’informations est traduit dans plusieurs langues pour que toutes les travailleuses du sexe puissent connaître leurs droits et les risques liés aux Maladies Sexuellement Transmissibles (MST ), au VIH , aux hépatites, ou être orientées vers des centres de santé. Le Lotus bus, animé par de nombreux bénévoles parlant chinois, travaille ainsi avec les femmes chinoises à Paris depuis 2004.

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© Boris Svartzman

Le lotus bus

Implication de travailleuses paires

Les animatrices de prévention ont une approche, une expertise et des compétences issues du milieu prostitutionnel et des formes de prostitution. Leur collaboration permet d’instaurer une relation de confiance, et donc une meilleure prise en charge des personnes qui se prostituent et de mieux adapter les messages à la réalité des pratiques.

Notre plaidoyer pour les travailleuses du sexe

Médecins du Monde plaide pour un meilleur accès aux soins et aux droits des travailleuses et travailleurs du sexe.

Au regard des résultats de l’enquête de 2018 et des incidences de ce cadre législatif sur les personnes, deux ans après le vote de la loi, neuf associations et cinq travailleurs et travailleuses du sexe ont initié une action devant le Conseil Constitutionnel afin de faire déclarer la pénalisation des clients contraire à la Constitution française. Au total 22 associations et 30 personnes se prostituant se sont engagées dans cette procédure afin de défendre la santé et les droits des personnes. Le 1er février 2019, la décision du Conseil constitutionnel s’est prononcée pour le maintien de la pénalisation des clients au motif qu’il ne pouvait substituer son appréciation à celle du législateur et qu’il n’y avait pas d’atteinte manifeste au droit à la santé. Pourtant, l’ensemble des agences des Nations unies, dont l’OMS et l’ONUSIDA, dénoncent les politiques répressives à l’encontre des travailleuses du sexe.

Suite à cette décision, 261 travailleurs et travailleuses du sexe ont déposé des requêtes devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme contre les dispositions législatives pénalisant les clients, au motif que celles-ci les exposent à des mauvais traitements et violent leur droit à l’autonomie personnelle et à la liberté sexuelle. Au final, cette décision du conseil, qui n’a pas souhaité abroger cette loi en vue d’une dépénalisation, est une atteinte à la dignité de la personne humaine. Cette atteinte touche en particulier les travailleuses du sexe, qui sont obligées de se livrer à la prostitution dans des conditions difficiles et périlleuses.

Mieux comprendre la réduction des risques

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